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ACCORDS DE COLLATÉRAL SUR LES PRODUITS DÉRIVÉS OTC: BIEN COMPRENDRE ET BIEN NÉGOCIER


Les règles de Bâle III créent pour les banques de nouvelles charges en fonds propres sur les transactions dérivées, particulièrement lourdes en l’absence de contrat de collatéral («Annexe de Remise en Garantie» sous contrat FBF ou «Credit Support Annex» sous contrat ISDA). Ces charges sont d’autant plus lourdes que la transaction est longue et sa valorisation volatile.


Ainsi, les banques incorporent un surcoût important, voire peuvent refuser de traiter certains dérivés OTC sans la signature d’un accord de collatéral.


Pour les entreprises, la signature de tels accord semble bénéfique puisqu’elle permet de réduire immédiatement le coût des transactions de couverture et leur procure un meilleur accès au marché. Il faut cependant être prudent et bien comprendre l’ensemble des risques associés.

Le principe de l’accord de collatéral

La signature d’un accord de collatéral bilatéral entre une banque et son client consiste en un engagement réciproque de déposer des liquidités (ou des titres) auprès de sa contrepartie dès lors que la valeur de marché de l’ensemble des opérations régies par un même contrat cadre fait apparaître un risque de crédit. Le collatéral constitue une garantie dont le montant est physiquement transféré à la contrepartie et qui est réajusté périodiquement en fonction de l’évolution de la valorisation des contrats.



Ainsi, schématiquement, en supposant qu’une entreprise ait conclu un swap receveur de taux fixe et payeur de taux variable avec sa banque partenaire, l’entreprise verse du cash à sa contrepartie en cas de hausse des taux, et reçoit du cash de sa contrepartie en cas de baisse des taux. Dans le cas d’un portefeuille de produits dérivés, c’est la valorisation totale du portefeuille face à la contrepartie qui détermine si l’entreprise doit déposer ou recevoir des liquidités en garantie.

En règle générale, la rémunération des liquidités déposées se fait au taux EONIA.

La mise en place d’un accord de collatéral permet aux banques contreparties d’améliorer significativement leurs prix sur les transactions de marché, dans la mesure où elle leur permet d’exécuter les transactions en limitant fortement leur risque de crédit vis-à-vis de la contrepartie et sans consommer d’importants fonds propres. Les nouvelles règles Bâle III ont renforcé ces exigences de fonds propres dans de fortes proportions.

Collatéral et gestion de la liquidité

Pour l’entreprise, la mise en place d’un tel accord permet donc de réduire le coût des nouvelles transactions. En revanche, elle a plusieurs conséquences immédiates :


– La mise en place de l’accord concerne en général non seulement les nouvelles transactions mais également le stock de transactions existantes : selon la valorisation du portefeuille existant, l’accord a donc pour conséquence pour l’entreprise, soit de devoir déposer immédiatement un montant égal à cette valorisation en cash (ou en titres) à sa contrepartie, soit de recevoir ce montant, ce qui impacte directement la trésorerie de l’entreprise.


– En fonction des fluctuations de marché, la valorisation du portefeuille de dérivés varie, ce qui entraîne des sorties ou entrées de liquidités imprévisibles.


Prenons l’exemple d’une entreprise industrielle européenne qui, pour élargir la base de ses investisseurs et bénéficier de conditions de financement attractives, se finance ponctuellement sur le marché obligataire libellé en dollar. Avec le concours de ses partenaires bancaires, elle émet des obligations en dollar, de maturité 7 ans. En parallèle, elle conclut avec une ou plusieurs banques un swap de devises lui permettant de couvrir très exactement son risque de change, de sorte que quelle que soit la variation du cours croisé de change EUR/USD, ses charges financières en euros sont connues et sa situation financière stable.


​Dans le cadre de Bâle III et en l’absence de contrat de collatéral, la charge en fonds propres des banques au titre d’une telle transaction de swap est très importante. Lorsque la banque calcule ses fonds propres en méthode avancée, la consommation de fonds propres dépend des volatilités implicites de taux et de change, du niveau des spreads de CDS et de leur variabilité historique sur un horizon de un à quatre ans. Compte tenu de l’état des marchés depuis 2008, la consommation de fonds propres est d’autant plus importante.

La mise en place de l’accord de collatéral consiste pour l’entreprise à s’engager à mettre en garantie auprès de la banque des liquidités dans le cas où la valeur de marché du swap évolue, du fait, par exemple du décalage de la parité de change EUR/USD. Sans accord de collatéral, une variation du taux de change EUR/USD de 30% n’aurait eu aucun impact sur la trésorerie et le bilan de l’entreprise du fait de sa couverture parfaite du risque de change. Après mise en place de l’accord de collatéral, la baisse du dollar a un impact considérable sur la liquidité de l’entreprise puisqu’elle doit déposer 30% du nominal de son emprunt en liquidités auprès de la banque réduisant ainsi fortement la part du montant emprunté disponible pour les investissements prévus. Cette somme sera rémunérée à EONIA soit nettement en dessous du coût de financement long de l’entreprise.


Par ailleurs, la mise en place d’un contrat de collatéral peut induire des impacts comptables dans la mesure où les commissaires aux comptes peuvent considérer qu’il est juste de valoriser les dérivés sous accord de collatéral avec une actualisation des flux futurs sur la courbe des swaps contre EONIA, mais qu’il faut continuer à valoriser les dettes sous-jacentes sur la base d’une courbe contre Euribor, induisant ainsi des inefficacités dans la couverture.

Bien comprendre et bien négocier son accord de collatéral

Lorsque la couverture des positions de change est un enjeu stratégique, les entreprises n’ont parfois d’autre choix que d’accepter la signature de tels accord. Encore faut-il bien les négocier et mettre en place ensuite une gestion des risques adaptée.


Ainsi, il n’est parfois pas nécessaire de signer des accords collatéral avec chacun de ses partenaires bancaires. Il faut bien étudier le stock de dérivés existants avec chacun, la variabilité de sa valorisation, et l’impact immédiat de la mise en place du contrat sur la trésorerie de l’entreprise. L’entreprise devra aussi considérer le coût induit par la rémunération du collatéral à EONIA en faisant varier les hypothèses sur le montant futur des appels de marge et sur le coût futur de financement ou de replacement des liquidités consommées à travers l’accord de collatéralisation.


Il faut également prendre en compte les avantages directs que la banque retirera de la mise en place de cet accord du fait de la réduction associée de ses fonds propres réglementaires et faire peser cet élément dans la négociation. La banque est enfin d’autant plus motivée à signer un accord de collatéral que cela lui procure un avantage compétitif déterminant sur la concurrence.


Il ne faut finalement pas négliger le coût opérationnel de tels accords au quotidien pour l’entreprise. La validation permanente des valorisations fournies par la banque est importante puisqu’elle influe directement sur la trésorerie de l’entreprise. La gestion des contrats au quotidien nécessite donc des ressources nouvelles au sein de l’entreprise.

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